Une constellation

Philippe Sollers qui cite Pascal Quignard qui cite Donald Winnicott :

« Pascal Quignard écrit : « Winnicott a décrit le ressentiment qu’éprouvent les névrosés à l’encontre des visages qui sont attirants. Tous les corps enchantés de vivre les mettent mal à l’aise. Ils éprouvent de l’aversion à l’encontre des âmes vivaces et bondissantes. Divergence plus vindicative que celle des pauvres contre les riches. Guerre irrémissible qui est celle des analphabètes contre les lettrés. Tout paraît arrogance aux hommes qui sont petits et malheureux. Le malade ne veut à aucun prix que sa maladie si fidèle, si pronominale, l’abandonne ; il se sentirait beaucoup plus rassuré si la santé de chacun était aussi problématique que la sienne. Le laid ne veut à aucun prix que son poids ou sa disgrâce s’évanouissent ; il veut que la beauté soit détruite et que la minceur ou la gracilité n’existent plus sur la surface de la terre.” »

Talk Talk +

Morale et style. – Tout écrivain s’aperçoit que plus il s’exprime avec précision, conscience et sobriété, plus le produit littéraire passe pour obscur, alors que lorsqu’il se laisse aller à des formulations relâchées et irresponsables, il se voit gratifié d’une certaine compréhension. Il est devenu inutile d’éviter les expressions techniques et toutes les allusions à la sphère culturelle qui n’existe plus depuis longtemps. La rigueur et la pureté d’une écriture même extrêmement simple créent bien plus une impression de vide. La négligence qui entraîne à se laisser porter par le courant familier du langage passe pour le signe de la pertinence du contact: on sait ce que l’on veut parce que l’on sait ce que veulent les autres. Considérer l’objet plutôt que la communication au moment où l’on s’exprime, éveille la suspicion: tout ce qui est spécifique, non emprunté à des schémas préexistants, paraît inconsidéré, symptôme d’excentricité, voire de confusion. La logique actuelle si fière de sa clarté a adopté naïvement cette notion pervertie du langage quotidien. Une expression vague permet à celui qui l’entend d’imaginer à peu près ce qui lui convient et ce que, de toute façon, il pense déjà. L’expression rigoureuse impose une compréhension sans équivoque, un effort conceptuel dont les hommes ont délibérément perdu l’habitude, et attend d’eux que, devant tout contenu, ils suspendent toutes les opinions reçues et, par conséquent, s’isolent, ce qu’ils refusent violemment. Seul ce qu’ils n’ont pas à comprendre leur paraît compréhensible; ce qui est réellement aliéné, le mot usé à force d’avoir servi, les touche parce qu’il leur est familier. Il est peu de choses qui contribuent à autant à démoraliser les intellectuels. Celui qui veut échapper à ce sentiment devra voir en chaque défenseur de la communication un traître à celle-ci.


Ventre creux. – Opposer les parlers ouvriers à la langue écrite est réactionnaire. Le loisir, voire l’orgueil et l’arrogance, ont conféré au discours des classes supérieures une certaine indépendance et de l’autodiscipline. Si bien que ce discours se trouve en opposition avec sa propre sphère sociale. Il se retourne contre les maîtres qui en mésusent pour commander et veut leur commander à son tour, refusant de servir plus longtemps leurs intérêts. Mais le langages des assujettis porte uniquement les marques de la domination qui, de plus, l’a privé de la justice promise par un langage autonome, non mutilé, à tous ceux qui sont assez libres pour le parler sans arrière-pensée. Le langage prolétarien est dicté par la faim. Le pauvre mâche ses mots pour tromper sa faim. c’est de leur esprit objectif qu’il attend la nourriture substantielle que lui refuse la société ; lui qui n’a rien à se mettre sous les dents se remplit la bouche de mots. C’est sa manière à lui de prendre sa revanche sur le langage. Il outrage le corps du langage qu’on lui interdit d’aimer, répétant avec une force impuissante l’outrage qui lui fût infligé à lui-même. Le meilleur des parlers du nord de Berlin ou de Cockney, prompt à la réplique et chargé de bon sens, souffre encore de ce que, dans son effort pour surmonter sans désespérer les situations désespérées, il ait du se moquer de soi-même en même temps que de l’ennemi, donnant ainsi raison au train du monde. Si la langue écrite codifie l’aliénation des classes, le redressement ne pourra se faire en régressant vers la langue parlée, mais par la pratique d’une objectivité linguistique des plus rigoureuses. Seul un parler qui transcende l’écriture en se l’intégrant saura délivrer le discours humain de ce mensonge selon lequel il serait déjà humain.

Theodor Adorno 1951. extraits de Minima Moralia

Comme c’est essoufflant d’être un gangster !

Hey yo, I smoke dust and shoot cops, sold guns to 2Pac
Smoked blunts with Biggie Smalls and sold drugs on new-lots
I was too young, couldn’t get up in clubs back in the old days
We used rob and terrorize kids in front of homebase
When Funkmaster Flex was inside, rockin’ the whole place
We was outside, smacking kids and snatchin’ gold chains
Baggin’ mad pigeons, catchin’ mad digits, bad bitches
And when they husbands came around we had to blast biscuits
A bunch of bad Brooklyn kids that always had pistols
Broken dreams and broken halls, we always had issues
And mad problems worshippin’ gangstas and bank-robbers
Watchin’ Scarface startin’ fights in Rap concerts
Until we realized how to get the real money
Steal money, kidnap money, kill money
Its funny how the money make the whole world love you
Jealous cats hate you, dime bitches want you
Little ghetto children run up on you, wanna’ touch you
Got the IRS lookin’ at you, wanna fuck you
Sniffin’ so much blow, you don’t know if you can trust you
Ecstasy react to what the cocaine and the dust do
Go against the Ill Bill and Non Phixion will crush you, bust you
Leave you with a tube and ya’ throat to suck through
We truck jewels, these dust brothers fuck mothers
The thugs love us, rap for the gunslingers and drug-hustlers
Where my gangstas at?

[Cuts]
« Is you a gangsta? »
« With gangsta rap »

Out Now !

Les deux fils de pute, Cirque Royal, Taha records, 2013

    Out Now !

    Zermi…

    Voilà un objet unique et exemplaire que j’ai découvert récemment. Comme l’inscription l’indique, vous pouvez tout de suite
    reconnaitre une maquette du c.p.a.s d’Ixelles. Celle-ci se trouve dans la salle d’attente et permet aux très jeunes demandeurs
    mais aussi aux moins jeunes de mieux mettre à profit le temps qu’ils passent dans cette salle afin de déjà se familiariser
    avec les voies pas toujours très simples qu’ils devront emprunter afin de bénéficier de l’attention providentielle de cette
    charitable institution. Comme c’est bien pensé tout ça quand même !

    C’est bien aimable à vous, Monsieur le professeur.


    Telle conversation nouée au hasard d’un voyage en chemin de fer et les quelques phrases auxquelles on accepte d’acquiescer pour éviter une dispute, alors qu’on sait très bien que la logique de leurs conséquences est fatalement meurtrière, voilà déjà une première trahison. Aucune pensée n’est immunisée contre les risques de la communication : il suffit de l’exprimer dans un contexte inadéquat et sur la base d’un mauvais consensus pour en miner la vérité. Chaque fois que je vais au cinéma, j’en sors plus bête et pire que je n’y suis entré, malgré toute ma vigilance. Être sociable, c’est déjà prendre part à l’injustice, en donnant l’illusion que le monde de froideur où nous vivons maintenant est un monde où il est encore possible de parler les uns avec les autres ; tel propos affable et sans conséquence contribue à perpétuer le silence, car les concessions que l’on fait à son interlocuteur le rabaissent doublement – en lui-même et en la personne de celui à qui s’adresse à lui. Dans les rapports affables, il y a toujours eu un principe mauvais qui, avec l’esprit égalitaire, se développe dans toute sa brutalité. Être condescendant ou penser qu’on vaut pas mieux que les autres, cela revient au même. En s’adaptant à la faiblesse des opprimés, on justifie dans une telle faiblesse les conditions de domination qu’on présuppose et l’on développe soi-même ce qui faut de grossièreté, d’apathie et de violence pour exercer cette domination. Quand en plus, dans la phase toute récente où nous nous trouvons, la pose condescendante a disparu et qu’on ne voit plus que le rapprochement égalisateur, alors le rapport de classes qui se trouve ainsi nié ne s’en impose que d’une façon autant plus implacable, car le pouvoir reste complètement masqué. Une solitude intangible est pour l’intellectuel la seule attitude où il puisse encore faire acte de solidarité. Dès qu’on rentre dans le jeu, dès qu’on se montre humain dans les contacts et dans l’intérêt qu’on témoigne aux autres, on ne fait que camoufler une acceptation tacite de l’inhumain. Il faut être du côté des souffrances des hommes; mais chaque pas que l’on fait du côté de leurs joies est un pas vers un durcissement de la souffrance.

    Minima Moralia, Theodor W. Adorno

    (aîe)