Ici le travelling ranimera quelque chose du voyage puisque « voyager : to travel »

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J’ai cherché l’Amérique sidérale, celle de la liberté vaine et absolue des freeways, jamais celle du social et de la culture – celle de la vitesse désertique, des motels et des surfaces minérales, jamais l’Amérique profonde des mœurs et des mentalités. J’ai cherché dans la vitesse du scénario, dans le réflexe indifférent de la télévision,…

J’ai cherché l’Amérique sidérale, celle de la liberté vaine et absolue des freeways, jamais celle du social et de la culture – celle de la vitesse désertique, des motels et des surfaces minérales, jamais l’Amérique profonde des mœurs et des mentalités. J’ai cherché dans la vitesse du scénario, dans le réflexe indifférent de la télévision, dans le film des jours et des nuits à travers un espace vide, dans la succession merveilleusement sans affect des signes, des images, des visages, des actes rituels de la route, ce qui est le plus proche de l’univers nucléaire et énucléé qui est virtuellement le nôtre jusque dans les chaumières européennes.
(…)
 Rejet des avatars touristiques et pittoresques, des curiosités, des paysages mêmes (seule leur abstraction demeure, dans le prisme de la canicule). Rien n’est plus étranger au travelling pur que le tourisme ou le loisir. C’est pourquoi il se réalise au mieux dans la banalité extensive des déserts ou dans celle, aussi désertique, des métropoles – jamais prises comme lieux de plaisir ou de culture, mais télévisuellement, comme scenery, comme scénarios.

  in « Amérique », J. Baudrillard. 

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