voyages
31. Le touriste ne va pas à Marzahn.
31. Le touriste ne va pas à Marzahn. Je ne parle pas du touriste qui voyage à Berlin pour visiter le Reichstag et la coupole transparente de Norman Forster, l’île aux musées, et qui est perpétuellement à la chasse de morceaux du mur à l’authenticité douteuse. Non, pour celui-là, cet exemplaire d’une race si facilement méprisée, cette éternelle incarnation de l’autre, la question ne se pose même pas. Pour quelle raison devrait-il se rendre jusqu’à Marzahn, tout à l’est de la ville? je parle d’un autre touriste, celui qui part à Berlin vivre le jeu réactif de la révolte. Le voici donc à Friedrichshain, dans la Rigaerstrasse par exemple, où avec son enfilade de squats scénographiques – le drapeau des pirates flotte au vent pour faire plaisir aux enfants -, il trouvera ponctuels tous les événements qui le devancent toujours et le font exister : les citations pédantes d’Agamben, Butler ou Rancière comme dans les campus américains chez la future classe moyenne dirigeante, un sens inné de la mise en scène et de la représentation de soi, l’autoréférentialité déguisée en histoire, des ennemis inexistants et le soutien inconditionnel de la mairie. sans oublier les produits souvenirs, les bons vieux slogans, qui datent de l’East Village des lointaines années 1920 ou même de Paris 1968, commercialisés dans des sacs en jute, des tee-shirts, des autocollants à ramener chez soi ou à arborer à la prochaine promenade anticapitaliste. Le touriste de la révolte voyageait pour se reconnaître, il s’attendait à Friedrichshain et il s’est retrouvé. Il n’ira pas plus loin. Il n’ira pas à Marzahn. Dans le vide des barres de l’époque RDA à l’abandon, parmi des bandes de skinheads à l’hostilité inassimilable sur lesquelles ne se réfléchit pas le regard bienveillant des sociologues, sa figure n’ayant pas été prévue, il deviendrait tout simplement inexistant. Son passe-temps collectivisé est certes bien divertissant, mais il a tout de même des limites. Ce n’est pas lui qui décide où et quand il faut jouer. L’entertainment est la meilleure défense de la société contre le chaos qu’elle-même engendre. C’est une affaire trop sérieuse pour laisser à ses sujets la liberté de pouvoir y renoncer.
in Entertainment! apologie de la domination, Francesco Masci, 2011, Alia
Pieter Hugo’s pictures / Afrique, toujours fascinante

« These photographs came about after a friend emailed me an image taken on a cellphone through a car window in Lagos, Nigeria, which depicted a group of men walking down the street with a hyena in chains. A few days later I saw the image reproduced in a South African newspaper with the caption ‘The Streets of Lagos’. Nigerian newspapers reported that these men were bank robbers, bodyguards, drug dealers, debt collectors. Myths surrounded them. It turned out that they were a group of itinerant minstrels, performers who used the animals to entertain crowds and sell traditional medicines. The animal handlers were all related to each other and were practising a tradition passed down from generation to generation. » (lire la suite) Avec une population qui grandit de 4,4% par an, Lagos deviendra la première mégalopole d’Afrique ; c’est sur ce continent que devrait se trouver la majorité des plus grandes agglomérations du monde d’ici 2030. |
La puissance de l’inculture.
(…) C’est ce qui, quoi qu’il arrive, nous sépare des Américains. Nous ne les rattraperons jamais, et nous n’aurons jamais cette candeur. Nous ne faisons que les imiter, les parodier avec cinquante ans de retard, et sans succès d’ailleurs. Il nous manque l’âme et l’audace de ce qu’on pourrait appeler le degré zéro d’une culture, la puissance de l’inculture. (…)
Nous resterons des utopistes nostalgiques déchirés par l’idéal, mais répugnant dans le fond à sa réalisation, professant que tout est possible, mais jamais que tout est réalisé. Telle est l’assertion de l’Amérique. Notre problème à nous est que nos vieilles finalités – révolution, progrès, liberté – se seront évanouies avant d’avoir été atteintes, sans avoir pu se matérialiser. D’où la mélancolie.
in Amérique, Jean Baudrillard.
Le vieux continent
• On naît moderne, on ne le devient pas. Et nous ne le sommes jamais devenus. Ce qui saute aux yeux à Paris, c’est le XIXᵉ siècle. Venu de Los Angeles, on atterrit dans le XIXᵉ siècle. (…)
Pour nous, c’est le modèle bourgeois de 89 et de la décadence interminable de ce modèle qui dessine le profil de notre paysage.
Rien n’y fait : tout tourne ici autour du rêve bourgeois du XIXᵉ siècle.
• L’Amérique est la version originale de la modernité, nous sommes la version doublée ou sous-titrée. L’Amérique exorcise la question de l’origine, elle ne cultive pas d’origine ou d’authenticité mythique, elle n’a pas de passé ni de vérité fondatrice. Pour n’avoir pas connu d’accumulation primitive du temps, elle vit dans une actualité perpétuelle. Pour n’avoir pas connu d’accumulation lente et séculaire du principe de vérité, elle vit dans la simulation perpétuelle, dans l’actualité perpétuelle des signes. Elle n’a pas de territoire ancestral, celui des Indiens est circonscrit aujourd’hui dans des réserves qui sont l’équivalent des musées où elle stocke les Rembrandt et les Renoir. Mais c’est sans importance – l’Amérique n’a pas de problème d’identité.
Or la puissance future est dédiée aux peuples sans origine, sans authenticité, et qui sauront exploiter cette situation jusqu’au bout.
• Octavio Paz a raison d’affirmer que l’Amérique s’est créée dans le dessein d’échapper à l’histoire, d’édifier une utopie à l’abri de l’histoire, qu’elle y a en partie réussi, et qu’elle persiste aujourd’hui dans ce dessein. L’histoire comme transcendance d’une raison sociale et politique, comme vision dialectique et conflictuelle des sociétés, ce concept-là n’est pas le leur – de même que la modernité, comme rupture originelle d’avec une certaine histoire justement, ne sera jamais le nôtre. (…) L’Amérique, elle, s’est trouvée en position de rupture et de modernité radicale : c’est donc là que la modernité est originale, et nulle part ailleurs.
• Nous sommes toujours au centre, mais au centre du Vieux Monde. Eux qui furent une transcendance marginale de ce Vieux-Monde en sont aujourd’hui le centre neuf et excentrique.
L’excentricité est leur acte de naissance. Nous ne pourrons jamais leur ravir. Nous ne pourrons jamais nous excentrer, nous décentrer de la même façon, nous ne serons donc jamais moderne au sens propre du terme, et nous n’aurons jamais la même liberté – non pas celle, formelle, que nous tenons pour assurée, mais celle concrète, flexible, fonctionnelle, active, que nous voyons jouer dans l’institution américaine, et dans la tête de chaque citoyen.
Notre conception de la liberté ne pourra jamais rivaliser avec la leur, spatiale et mobile, qui découle du fait qu’ils se sont un jour affranchi de cette centralité historique.
in Amérique, J. Baudrillard.
Après deux mois de ciel blanc, j’aimerais dire…
Les nuages nous gâchent le ciel en Europe.
Comparés aux ciels immenses de Nord-Amérique, avec leurs nuées, nos petits ciels pommelés, nos petits nuages pommelés sont à l’image de nos pensées pommelées, jamais des pensées de l’espace… A Paris, le ciel ne décolle jamais, il ne plane pas, il est pris dans le décor des immeubles souffreteux, qui se font de l’ombre les uns aux autres, comme la petite propriété privée – au lieu d’être la façade miroir vertigineuse les uns des autres, comme celle du grand capital à New York…
Ça se voit aux ciels : l’Europe n’a jamais été un continent. Dès que vous posez le pied en Amérique du Nord, vous sentez la présence d’un continent entier – l’espace y est la pensée même.
in Amérique, J. Baudrillard.
Souvenir, chanson d’amour… Capisce l’italiano?
E le foglie morte nel vento
Tra le pale del Moulin Rouge
Vagano da sempre nel tempo
Come le chanteuses a Pigalle…
Canterò chanson d’amour
Atmosfera vagamente retrò
Anche se con il naso all’insù
Commediante o stravagante sarò
Tragicomico acrobata In bilico sulla città
Chanson d’amour
Un attimo di tempo
Un angolo nel tempo
Chanson d’amour
Randagio sentimento
Un brivido violento
Canterò una volta di più
Alla luna che da sempre mi spia
Rapsodia che si tinge di blu
Sul sorriso una sottile ironia
Una lirica incredula
Canzone di facile presa
Chanson d’amour
Fa risvegliare dentro
La voglia di un momento
Chanson d’amour
Randagio sentimento
Un brivido violento
Chanson d’amour
Un attimo di tempo
Un angolo nel tempo
Un souvenir
Un souvenir